Chapitre 5 : L'étoile de l'Ordre

Trois mois. Trois longs mois depuis que je suis devenue une Valkyrie et toujours aucune mission. Senya et Reina me disent que c'est normal, qu'elles aussi ont attendu plusieurs mois avant de recevoir une assignation, mais quand même. Trois mois ! Bon, en même temps, il ne se passe pas grand-chose ces derniers temps dans ce système. Et vu qu'une Valkyrie de rang inférieur au S ne peut intervenir que dans son propre système, cela limite les possibilités. Il semble que je ne sois pas la seule en attente de mission, lorsque je vois Senya et Reina qui n'ont reçu aucune assignation non plus depuis ces trois derniers mois. Le bon côté des choses, c'est que nous avons toutes les trois un temps libre indécent. Je suis plutôt contente du coup, que Reina et Senya soient aussi en attente, car cela me permet de pouvoir occuper mes journées avec elles. Même si Reina est bien plus disponible. Senya passe vraiment trop de temps sur son ordinateur, jusqu'à en oublier de prendre l'air parfois. C'est pour cette raison qu'avec Reina, on ne lui laisse parfois pas le choix de nous accompagner, comme aujourd'hui. On s'est donné rendez-vous sur la place de l'horloge à 14 heures pour passer l'après-midi ensemble. Il y a une exposition d'Endfield en ce moment sur Arcadia. Il paraît qu'il y a quelques Valkyries de l'Ordre dans l'exposition, comme Elysia ou encore Elza. Si nous pouvions rencontrer Elysia ou Elza, ce serait incroyable ! Je n'arrive pas à croire que Senya a rencontré Elysia la dernière fois et a même réussi à obtenir un autographe. Mais vu qu'elle me l'a donné, ce serait cool si je pouvais avoir celui d'Elza aussi.

Le temps passe vite quand on se lève tard. Il est déjà 13h10. Je n'ai même pas encore eu le temps de manger et voilà que je vais être en retard ! Le train qui traverse la ville met une bonne trentaine de minutes pour rejoindre le quartier où l'on s'est donné rendez-vous. Bon, ce n'est pas grave, je prendrai un truc à manger sur le chemin. Je ferais mieux de me mettre en route sinon je vais rater le train. Seria, que j'ai réussi à convaincre de passer l'après-midi avec nous, doit déjà m'attendre à la gare. Je saisis mon téléphone, ma veste, et me précipite hors de mon appartement. Je ne pouvais m'empêcher d'avoir cette désagréable impression d'avoir oublié quelque chose, mais c'est un détail dont je n'ai plus le temps de m'occuper. Ce doit simplement être mon imagination. Après une dizaine de minutes, j'étais à la gare. Elle n'est pas trop éloignée de chez moi. Un petit sprint et c'est réglé. C'est bon pour la digestion. Même si je n'ai rien dans le ventre, donc pour la digestion on repassera. Au moins, je suis pile à l'heure à la gare. Seria ne pourra pas dire pour une fois que je suis toujours en retard ! C'est donc en compagnie de Seria que nous montons dans le train en direction de l'exposition. Cette cité est tellement grande que chaque quartier est comme une ville à part entière.

Je n'aime vraiment pas rester assise à ne rien faire. Ça fait 20 minutes qu'on est en chemin et je n'en peux déjà plus. La vue est belle, et tout ça, mais je commence à m'impatienter. Néanmoins, on est vachement haut. Le quartier où l'on se rend est le plus vertical de toute la cité. C'est ici qu'il y a les plus hauts bâtiments. Ce doit être génial d'habiter ici. Mais c'est tellement cher que c'est bien au-delà de mes moyens.

- Le train s'arrête au centième étage du bâtiment qui sert de gare centrale. Ce quartier est vraiment unique. Il ne faut pas avoir le vertige !

- Même sans avoir le vertige, je préfère avoir les pieds sur terre, si tu veux mon avis.

- Ha, Seria, j'ai une idée ! Si je faisais une vidéo de moi en train de sauter de cette hauteur ? Ça va être super populaire sur les réseaux !

- Tu peux aussi rester assise bien sagement et attendre qu'on arrive en gare. C'est bien aussi l'ascenseur. Profite donc de la... Kiana ?

J'avais saisi cette opportunité sans hésitation. D'un geste décidé, j'avais ouvert la fenêtre de mon côté pour rejoindre le toit, puis pris mon élan sur le rebord avant de m'élancer dans le vide sans fin ! En pleine figure aérienne, j'avais salué Seria qui semblait assez surprise à travers la fenêtre, avant de me laisser tomber tel un oiseau. Il n'y avait pas à dire, c'était absolument divin. Je ne m'étais jamais sentie aussi libre ! Alors que je me rapprochais des premiers bâtiments, il était temps de reprendre le contrôle de ma chute. D'une pirouette agile dans les airs, j'avais activé mes nouveaux jouets développés par Senya, avec la collaboration de Schicksal et Seria. Manipuler ma concentration d'éther avait toujours été un défi pour moi. Mon stigma* me conférait la capacité de manipuler la gravité et l'espace, mais c'était une compétence difficile à maîtriser. Senya, avec l'aide des techniciens de Schicksal, avait réussi à concevoir exactement ce dont j'avais besoin : quatre anneaux-bracelets que j'enfilais autour de mes poignets et chevilles. Ces accessoires discrets, également conçus comme des éléments décoratifs par Senya, avaient véritablement changé ma vie. Désormais, je pouvais générer ma propre gravité sans altérer l'environnement. Avant de m'écraser sur le toit du bâtiment, j'avais ajusté ma propre gravité pour amortir la chute. Une roulade agile m'avait amenée à m'arrêter sur le bord. Il restait encore une certaine hauteur avant d'atteindre le sol, mais avec tous ces bâtiments autour, la descente allait être bien plus facile.

Sortant mon téléphone, je choisis une musique dans ma playlist, enfilai mes écouteurs, et me lançai à nouveau dans le vide. Je suis certaine que je peux arriver au point de rendez-vous avant que ce train n'arrive en gare. Sans une once d'hésitation, je m'élançai de nouveau dans le vide, effectuant une figure agile et me laissant tomber le long du bâtiment. Désormais capable de modifier mon propre espace, il me suffisait simplement d'altérer la gravité de mon corps. Grâce à ces bracelets, entre double saut, pirouettes et glissades le long des bâtiments, je m'amusais comme une folle.

Finalement, après une chute vertigineuse et un numéro de trapèze à travers les bâtiments, j'étais sur la terre ferme. Mais ce n'était pas fini. Maintenant que j'étais là, autant aller au point de rendez-vous. Seria n'avait qu'à pas être si lente avec son train ennuyeux. Sans attendre davantage, je m'élançai à toute vitesse à travers la cité, générant sous mes pieds des sphères de gravité qui faisaient office de rollers. Je me faufilai à travers le quartier, zigzagant entre les passants et les obstacles. Prenant des raccourcis sur les murs lorsque j'avais assez de vitesse pour adhérer aux parois, je voyais que le spectacle plaisait, beaucoup de gens sortaient leur téléphone pour essayer de filmer quand je passais. Il fallait dire que je ne passais pas inaperçue, vu la trace d'éther que je laissais derrière moi due à la vélocité. Au détour d'une rue à toute vitesse, j'en profitai pour m'emparer d'un hot-dog sur un stand de rue. Bien entendu, tout en me saisissant de ce dernier, je laissai de quoi payer. Entre deux cascades, je dégustai rapidement mon déjeuner avant de reprendre de la hauteur. L'horloge au loin indiquait 13h52. C'était parfait. Je profitai de la dernière ligne droite pour effectuer quelques glissades et figures, évitant les derniers passants, et arrivai finalement au point de rendez-vous ! Je m'arrêtai pile devant l'horloge, désactivant mes bracelets et retirant mes écouteurs. Je scrutai les environs à la recherche de mes deux amies, mais rapidement une foule m'entoura. J'entendais des compliments et des acclamations. C'est seulement maintenant, à l'arrêt, que je remarquai la rediffusion de mes exploits sur le grand écran d'un bâtiment au loin. Maintenant que j'y pensais, j'avais repéré pas mal de caméras dans la cité pendant ma chute à travers les bâtiments. J'imagine que j'avais été filmée à mon insu. Je me demandais si je pouvais réclamer des droits d'auteur ? Cependant, ce que j'avais fait était aussi un peu illégal, il me semblait. Peut-être ferais-je mieux de me faire oublier.

C'était étrange, vraiment étrange. Pour la première fois, je me retrouvais sous les feux de la rampe, acclamée et admirée par une foule enthousiaste. Ça change, d'habitude, on ne faisait attention qu'à mes pupilles et on me fuyait comme la peste. Bon, j'imagine que le fait de porter des lentilles en ce jour aide à passer inaperçu. Merci encore à Senya d'avoir fait en sorte que je supporte ces nouvelles lentilles. Mais c'était agréable, tous ces regards. Je pense que j'y prends goût. En tout cas, il fallait que je m'extirpe de cette foule. Impossible de retrouver Senya et Reina avec tout ce monde autour de moi. Heureusement, j'aperçus ma sauveuse, Seria, se faufiler à travers la masse. Je profitai de la dispersion de la foule pour la rejoindre. Une fois la vue dégagée, je remarquai qu'elle était déjà avec Reina et Senya. Un sourire enthousiaste éclaira mon visage quand je les saluai.

- Alors, Seria, dans le train, tu disais quoi ?

- Oh, tu sais, je disais juste que la prochaine fois, je t'attache à ton siège ! Sauter d'une telle hauteur, tu veux que j'attrape des cheveux blancs ?!

- Haha, ça te donnerait un style, qui sait ?

- Sans façon, je laisse cette couleur à notre tête brûlée nationale.

- On dirait que le prototype Gravity Spin-5687 que je t'ai fabriqué fonctionne parfaitement.

- C'est parfait. Mais par contre, Senya, sérieusement, il faut vraiment que tu arrêtes de donner des noms à tes inventions. Tu ne sais pas nommer les choses !

- J'aime bien moi... Vous en pensez quoi vous deux ?

- … Sans commentaire.

Senya semblait déçue de l'échec de son nom de prototype. Elle faisait des efforts pour trouver des noms, mais à chaque fois, c'était imbuvable. Pour le coup, c'était moi la pro pour trouver des noms.

- En tout cas, tu as vraiment fait sensation, Kiana. Ça fait un bon quart d'heure que tes exploits passent en boucle sur les écrans de la cité. Au moins, ça nous a permis de te trouver facilement. Sur ce, maintenant que tout le monde est là, je propose qu'on se dirige vers l'exposition.

- Bonne idée ! Cependant, lançais-je, tandis que mon ventre protestait bruyamment, est-ce qu'on pourrait faire un rapide détour pour manger quelque chose... ?

- C'est ça de jouer les acrobates à travers les bâtiments à 800 mètres du sol !

- Il y a un fast-food juste à côté, on pourrait y faire un saut. L'exposition ne va pas s'envoler. Et puis, j'ai un peu faim moi aussi de toute façon.

Après une halte pour remplir nos estomacs affamés, nous nous retrouvons à l'exposition Endfield, la plus imposante du système. Si Nagazora nous avait déjà impressionnées, Arcadia la surpassait largement. Ici, les moyens déployés étaient colossaux. La cité d'Arcadia, au rayonnement bien au-delà de sa planète d'origine, Elendia, était le cœur battant de l'académie de l'Ordre et le centre névralgique des échanges et de l'économie. À Arcadia, chaque événement se devait d'être spectaculaire, et aujourd'hui ne faisait pas exception. Avec ses 1 200 kilomètres carrés, cette métropole dépassait en taille même le colossal Kolosten. On pouvait même trouver des zones agricoles à l'intérieur de la cité.

- C'est gigantesque ! Ça va nous prendre un temps fou pour tout voir.

- Le mieux serait de suivre nos centres d'intérêt respectifs. On se sépare pour explorer, puis on se retrouve plus tard pour partager nos découvertes. De mon côté, je vais plonger dans le monde des nouvelles technologies.

- Bonne idée. Reina et moi, on va se diriger vers la section logiciels et médias. J'ai hâte de découvrir les derniers jeux en avant-première et les avancées en réalité virtuelle ! Et toi, Seria, tu nous accompagnes, ou tu suis Senya ?

- Je doute que je puisse suivre vos intérêts à toi et Reina, ou même ceux de Senya. Je vais plutôt faire un tour du côté des nouvelles technologies d'armement. Ensuite, je me trouverai un endroit tranquille pour boire un coup. Je vous attendrai là-bas. C'est pour vous que j'ai pris des billets VIP, alors profitez-en.

- Seria, tu commences à parler comme une vieille.

- Si tu ne déguerpis pas très vite, je vais parler comme une valkyrie et te faire regretter tes paroles.

J'aimais bien taquiner Seria, mais il fallait savoir disparaître subtilement, car son courroux était à éviter. Surtout quand on touchait à son ancienneté ou qu'on la qualifiait de vieille.

- Haha... À plus !

Je me hâte de partir avec Reina vers la partie de l'exposition qui nous intéresse. L'effervescence est incroyable. Heureusement, les panneaux indicatifs nous guident à travers la masse de visiteurs. Notre exploration nous mène à un immense rassemblement. La curiosité pousse Reina et moi à nous frayer un chemin dans la foule, et là, nous découvrons ce qui provoque tant d'agitation. Mes yeux ne peuvent y croire : l'étoile de l'Ordre, la deuxième valkyrie hiérarchique, Elysia, se trouve à quelques mètres de nous ! Une de mes idoles depuis toujours ! Cependant, l'approcher semble une tâche ardue avec cette horde de personnes. C'est comme être entouré de vautours. À cet instant, je me demande si devenir célèbre est vraiment ce que je souhaite. L'expression "si près, pourtant si loin" prend tout son sens. Ni Reina ni moi ne réussirons à l'approcher, et aucune de nous n'a envie d'attendre deux heures. Elle est peut-être notre idole, mais pas au point de sacrifier notre après-midi. Je suggère à Reina de reprendre notre visite, non sans une légère déception. Heureusement, il nous reste encore beaucoup à découvrir.

Après une heure à explorer tous les stands qui suscitent notre intérêt, nous rejoignons Seria, qui nous attend paisiblement sur la terrasse d'un bar. Senya brille toujours par son absence, mais rien d'étonnant compte tenu de sa passion pour les technologies. Il va falloir s'habituer à son absence. Nous passons donc commande pour accompagner Seria, en attendant Senya.

- Alors vous deux, l'exposition vous plaît ?

- Carrément ! On a vu plein de trucs que j'imaginais même pas possibles. Endfield est vraiment à la pointe. Mais Schicksal fait pas d'exposition ? Après tout, ils sont rivaux !

- Je suis peut-être la CEO de Schicksal depuis que j'en ai hérité de mon défunt père, mais c'est mon oncle que j'ai nommé directeur et à qui j'ai confié l'entreprise. Donc je n'ai pas réellement d'impact sur ce que fait l'entreprise et c'est très bien comme ça.

- Tu aimes vraiment te tenir à distance des choses, Seria.

- Crois-moi, Kiana, un jour, toi et Reina vous comprendrez pourquoi il vaut parfois mieux rester à sa place que de faire trop de bruit. Je suis satisfaite de ma vie actuelle. J'aime enseigner et faire des missions sans conséquences. Après autant de temps et de loyaux services au sein de l'Ordre, j'ai appris à profiter du calme. Un temps qui me permet de passer plus de temps à m'entraîner et veiller à te surveiller au cas où tu déciderais, par exemple, de sauter une nouvelle fois d'un train à pleine vitesse !

- Heh ?! Tu m'en veux encore ? Ça va, j'ai déjà dit que j'étais désolé et que je recommencerai plus ! Et puis c'était trop génial pour que je rate une telle occasion !

- Je n'en doute pas, tête brûlée ! Mais bien que tu puisses à présent utiliser plus aisément le pouvoir de ton Stigma, je t'invite à ne pas trop l'exposer en public.

- Tu me l'as déjà dit, mais je ne comprends pas pourquoi. Tu ne dis pas ça à Reina, par exemple.

- Peut-être parce que Reina ne saute pas d'un train à pleine vitesse à 800 mètres de la terre ferme !

- Tu radotes, mémé !

- Ha ! Toi, tu vas voir le prochain entraînement ! Je vais te montrer qui est la mémé !

- Je plaisantais ! Désolé, désolé, désolé !

- Trop tard ! Et pour la peine, Reina aussi subira le châtiment. Pour toutes les fois où vous m'avez fait avoir des cheveux blancs ! Vous allez souffrir, préparez-vous. Demain matin je vous attends dans ma salle d'entraînement.

- D-demain je ne peux pas, j'ai un truc important à faire !

- La vieille va venir te chercher par la peau des fesses que tu le veuilles ou non.


Cette fois-ci, c'était terminé pour Reina et moi. Les entraînements avec Seria sont totalement épuisants, mais cette fois-ci, elle ne va pas nous épargner. Rien que d'y penser, j'ai déjà des courbatures. Au moins, je ne serai pas la seule à souffrir. Reina, la pauvre, qui en prend souvent pour moi, on est quittes à ce niveau-là. Depuis notre adolescence, on a toujours fait les 400 coups à l'académie. Senya est la plus calme d'entre nous trois. Reina, quant à elle, est entre nous deux, si je devais la qualifier. Elle est sérieuse quand il faut, mais sait aussi se lâcher totalement. Je dirais qu'elle a trouvé le juste milieu parfait ! Elle a aussi bien adopté mon esprit que celui de Senya.

- Ça alors, quelle surprise. J'avais une chance sur combien de me promener et de tomber sur toi, Seria ? Ça fait un temps fou.

Une voix que je reconnaîtrais entre mille, tellement je l'ai entendue souvent à la télévision, venait de s'adresser à Seria. Je n'en croyais pas mes yeux pour la deuxième fois. Elysia était là, devant notre table ! Elle était encore plus belle et stylée, maintenant que je pouvais la voir d'aussi près et en vrai !

Spoiler:

- En effet, Elysia, ça fait longtemps. Tu sembles toujours autant en forme et au sommet de la gloire.

- Ah, ne m'en parle pas. Certains jours, j'aimerais être invisible. Mais il faut croire que je suis bien trop belle et géniale pour passer inaperçue. Hihi. Même si tu te défends toujours aussi bien malgré les siècles, Seria.

- Évidemment, je suis toujours la même ! Les siècles n'ont aucun impact sur moi !

- Haha, toujours aussi susceptible à ce sujet à ce que je vois. Tu n'as pas changé, tu es toujours aussi mignonne ! Mais où sont mes manières, voilà que je parle sans même saluer tes deux adorables amies. Salut, toutes les deux. Sympa le spectacle tout à l'heure, lança Elysia en m'envoyant un clin d'œil, c'était impressionnant.

- M-merci !

Je rougissais tellement que même mes cheveux blancs allaient finir par rougir. C'était comme un rêve qui se réalisait. J'avais l'une des plus géniales Valkyries de l'Ordre à moins d'un mètre de ma position, qui me faisait un clin d'œil et un compliment ! C'est décidé, la prochaine fois, je saute d'encore plus haut !

- Ça vous dérange si je m'assoie à votre table ? Ça fait du bien un peu de se libérer de toute cette foule.

- Avec plaisir, Elysia. Je crois que tu ne dérangerais pas ces deux-là même si tu le voulais.

- Hihi, c'est adorable.

Elysia, aussi incroyable que ça puisse paraître, prit place autour de notre table. Je ne savais toujours pas si je rêvais ou non, mais ce qui est sûr, c'est que tout ça était grâce à Seria ! Elle est tellement incroyable que même Elysia s'assoit à sa table. Je suis toujours curieuse de savoir d'où Seria tire une telle renommée, car elle n'a jamais été dans le top de l'Ordre dans sa carrière, mais j'imagine que c'est simplement parce qu'elle est la meilleure et la plus cool ! J'adore les Valkyries de l'Ordre, mais Seria restera toujours la plus géniale.

- Alors, laissez-moi deviner, vous êtes toutes les deux des Valkyries de rang A, n'est-ce pas ? Ça fait de nous des collègues dans ce cas ! Pour la peine, c'est moi qui invite. Commandez donc tout ce que vous voulez.

- C'est aimable de ta part, Elysia, merci.

- Mais c'est normal voyons, Seria. Alors, tu deviens quoi depuis le temps ? J'ai été étonnée quand j'ai appris que tu avais repris du service au sein de l'Ordre il y a quelques années. Quand tu as pris ta retraite, tu semblais déterminée à y rester.

- Il faut croire que je m'ennuyais. Le terrain me manquait. Enseigner c'est très bien, mais je suis avant tout une femme d'action. Et toi, ça te dit un poste dans un bureau, Elysia ? Ça manque de professeurs à l'académie.

- Ce serait avec plaisir, mais je pense que je suis bien trop éblouissante pour que les élèves se concentrent sur leurs devoirs. Hihi.



Plusieurs minutes s'étaient écoulées depuis que Elysia avait pris place à notre table. En compagnie de Reina, nous nous sentions désormais beaucoup plus à l'aise en sa présence. Cette journée s'annonçait vraiment géniale, rien ne semblait pouvoir l'assombrir. Du moins, c'est ce que je pensais avant d'être soudainement assaillie par une série de bruits assourdissants provenant de divers endroits. Des explosions. Plusieurs détonations semblaient avoir secoué l'exposition simultanément. Alors que l'atmosphère était festive il y a encore quelques minutes, voilà que la panique s'emparait de tous, chacun se précipitant dans toutes les directions. Un attentat venait de frapper l'exposition. Pourquoi ici ? Pourquoi une telle attaque ? Serpent Noir était-il derrière tout cela ? Leurs précédents attentats n'avaient jamais causé de victimes directes, se limitant aux dommages matériels. Pourquoi opter pour une telle action, qui avait vraisemblablement déjà engendré d'innombrables victimes ?

- Kiana, Reina, mettez-vous immédiatement à la recherche de Senya. Avec Elysia, nous allons nous occuper des victimes. Elysia, je compte sur toi.

- Évidemment, Seria, dépêchons-nous.

- Soyez prudentes toutes les deux. Retrouvez Senya et ensuite, aidez les gens à quitter l'exposition, c'est compris ?

- O-oui, Seria.

Sans perdre un instant, nous nous mîmes en action. Je partageais l'avis de Seria : retrouver Senya devait être notre priorité absolue. Tant que nous ne l'aurions pas localisée, une inquiétude persistante planerait en moi. Les dégâts étaient considérables, des débris jonchaient le sol, et la poussière et la fumée rendaient l'orientation difficile. Ajoutez à cela la foule en panique qui se ruait dans toutes les directions. Mais nous étions des Valkyries, il nous fallait dignement porter notre badge ! Je ne ressentais pas la peur. Cependant, je savais qu'une fois Senya retrouvée, une vague de soulagement m'envahirait...

L'obscurité. C'est la première chose que je sens, enveloppant mon esprit comme une couverture épaisse. Puis, peu à peu, la réalité commence à filtrer à travers les ténèbres. Des bruits assourdis résonnent à mes oreilles, des murmures indistincts se frayant un chemin à travers le brouillard de ma conscience. Mon corps est engourdi, des douleurs lancinantes parcourent chaque parcelle de ma chair, comme si j'avais été brutalement malmenée par une tempête invisible. Mes paupières semblent peser des tonnes, mais je lutte pour les ouvrir, pour percer l'obscurité qui me submerge. Une lumière vacillante perce l'obscurité, éclaboussant mon champ de vision d'éclats flous et indistincts. Je cligne des yeux, cherchant à m'habituer à cette intrusion soudaine de luminosité. Des ombres dansent autour de moi, des formes indistinctes qui semblent se fondre et se dissoudre dans l'air. Une odeur âcre envahit mes narines, le parfum familier de la fumée et du métal brûlé. Mes doigts se crispent sur le sol, cherchant un appui stable dans ce monde qui semble tourner autour de moi. Mes pensées sont confuses, des fragments de souvenirs éparpillés comme des morceaux d'un puzzle brisé. Je lutte pour rassembler les pièces, pour reconstruire le tableau de ce qui s'est passé.

Avec un effort surhumain, je parviens à me redresser doucement sur mes fesses, à affronter le chaos qui m'entoure. Les fragments éparpillés dans mon esprit se rassemblent, me donnant enfin un aperçu de la réalité des événements. Le chaos règne autour de ma position. Un chaos causé par une explosion. Je me souviens avoir entendu un bruit assourdissant, avant d'être projetée violemment jusqu'à ma position actuelle. J'ai perdu connaissance à cause de la violence du souffle et du choc de l'impact. Je n'ai pas dû rester inconsciente longtemps, la fumée étant encore étouffante. La réalité devant mes yeux est cruelle, chaotique. Des corps sont éparpillés sur le sol, l'âme s'étant envolée pour certains, tandis que d'autres hurlent de douleur. Je peux remercier mon métabolisme supérieur à celui de l'être humain classique, grâce à mon stigma. Le propriétaire d'un stigma possède un corps et une résistance naturelle jusqu'à dix fois supérieure à ceux qui naissent sans stigma. Je dois ma survie uniquement à cela pour l'instant. Vu la proximité de l'explosion, je devrais au minimum souffrir intensément, voire être morte. Pourtant, j'observe mon état général, et bien que je note quelques brûlures superficielles, ainsi que quelques petites plaies ouvertes, je suis en plutôt bonne condition physique. Mais même avec ce métabolisme, je ressens tout de même une douleur palpable dans tout mon corps, en particulier dans le bas ventre. Une rapide observation me donne l'information quant à la source de cette douleur. J'ai un morceau de métal planté dans ma chair, au niveau de la fosse iliaque gauche.

Il faut que je retire ce corps étranger avant toute chose et que j'essaie de me redresser totalement. Je peux déjà deviner, à la douleur et à mon état, que cela n'a pas touché de muscles. Je dois quand même me dépêcher de cautériser la plaie pour arrêter le saignement abondant qui se produira dès que j'aurai retiré l'objet. La situation ne me permet pas de rester assise là indéfiniment, il faut que j'apporte mon aide au sein de ce chaos. C'est mon rôle en tant que valkyrie et détentrice d'un stigma. C'est mon devoir d'aider ceux qui ne le peuvent pas. Je prends mon courage à deux mains, compte jusqu'à trois, et retire d'un coup sec le corps étranger. Une douleur perçante me frappe. Une douleur si intense que j'ai envie de crier de toute mon âme, des larmes s'efforçant de ne pas couler de mes yeux. Mais je n'ai pas de temps à perdre, le sang s'écoule à flots de la plaie. Je sors de la poche de ma veste un de mes drones portatifs que j'emporte partout avec moi. Cette version est utile pour s'infiltrer et espionner et possède également un système de défense mineur. Même en civil, je suis toujours prête. Je n'aurais simplement pas pensé que j'utiliserais le laser de mon drone contre moi-même. Mais il faut que je cautérise cette plaie. Je commande donc à mon drone de faire son travail, tandis que je me prépare à l'intense douleur qui va de nouveau me frapper.

Maintenant ma plaie cautérisée, et ayant appliqué une solution antidouleur des laboratoires Rhine Labs, il est temps que je me redresse. L'épreuve est difficile, mais avec un effort considérable, j'arrive finalement à me tenir debout. Je me rassure en voyant que je suis plutôt en bonne forme physique malgré ma blessure et mes brûlures. Mais pas le temps de pleurer sur quelques égratignures ou l'état de ma tenue vestimentaire, il faut que j'agisse. Je saisis mon téléphone qui heureusement est intact. Je mets en route l'application reliée à mes drones, afin de les faire rejoindre ma position. Mais mes drones et mon équipement n'arriveront pas immédiatement. Par la suite, j'essaie d'apporter mon aide aux victimes. Je suis aidée dans mon entreprise par les automates d'Endfield qui apportent leur aide également. Bien que leur fonction première soit le combat, ils sont aussi programmés pour porter secours à autrui. Mais cela me fait réaliser autre chose : où sont les renforts ? Il doit s'être écoulé environ une dizaine de minutes depuis la première explosion. Un temps largement suffisant en plein centre-ville pour un déploiement des valkyries de l'Ordre ainsi que des opérateurs de Rhine Labs. C'est étrange, mais pour l'instant, je n'ai pas le temps de réfléchir à la question. La priorité est d'aider ceux qui sont blessés et de rétablir autant que possible l'ordre dans ce chaos. Peut-être qu'une fois la situation stabilisée, je pourrai enquêter sur ce retard inexplicable des renforts. Pour l'instant, je me concentre sur ma mission : secourir les victimes, aider à évacuer les lieux et assurer la sécurité dans cette zone touchée par l'explosion.

Une vingtaine de minutes, qui me paraissait des heures, venait de s'écouler. Un temps que je passais à essayer d'aider le maximum de victimes. Malheureusement, j'arrivais souvent trop tard auprès d'un corps. Cette attaque était terrifiante, toutes ces victimes... Les instigateurs de cette atrocité étaient conscients du nombre de victimes qu'ils allaient faire en s'attaquant à cette exposition. C'était tout de même étonnant qu'ils aient réussi à placer des explosifs au sein de l'exposition malgré tous les automates présents, ainsi que les nombreuses valkyries déployées ici et là pendant l'exposition. C'étaient d'ailleurs uniquement les valkyries déjà présentes sur les lieux qui s'attelaient à aider les victimes actuellement, car aucun renfort extérieur n'était en vue. C'est d'ailleurs au détour d'un stand en ruine que, à travers la fumée, j'aperçus deux silhouettes familières. Mon cœur s'apaisa dès que mon regard identifia d'un seul coup d'œil qu'il s'agissait de Kiana et Reina. Je pus déjà entendre Kiana hurler mon nom en se précipitant sur moi dès qu'elle repéra ma position.

- Senya ! Senya ! Senya !

J'étais si heureuse et soulagée de voir mes deux amies. Je pouvais imaginer également le stress qu'elles avaient dû subir en étant dans l'ignorance de ma condition au sein de ce chaos. L'étreinte que m'offrit Kiana transpirait le soulagement d'une crainte intense. Je sentais sa respiration anormalement rapide et son étreinte solidement accrochée. J'étais consciente que pour Kiana, moi, Reina et Seria comptions plus que tout dans sa vie. Mais je mentirais si je disais que je n'étais pas non plus attachée à ces trois-là. Bien que je n'aie jamais été rejetée et maltraitée comme Kiana dans son enfance, je n'ai pas eu autant de facilité que j'aurais aimé. Seria m'a réellement énormément apporté. Tout comme m'ont apporté Reina et Kiana depuis notre rencontre. Je suis parfois un peu sur-protectrice envers ces deux-là, mais c'est comme ça. C'est plus fort que moi, je dois veiller à leur bien-être.

- Je suis soulagée de vous voir toutes les deux.

Kiana relâcha son étreinte et m'observa, d'un air stressé, voyant mes quelques brûlures et la plaie cautérisée.

- Tu es blessée, Senya ?

- Ça va, Kiana, essayai-je de la rassurer, je vais bien, ne t'inquiète pas. J'ai connu pire. Je m'occuperai de mes blessures plus tard. Dans l'immédiat, il faut qu'on vienne en aide aux victimes qui en ont vraiment besoin. Mais avant, où est Seria ? Elle n'est pas avec vous ?

- Seria s'occupe des blessés de son côté avec Elysia. C'est elle qui nous a demandé de te retrouver et ensuite d'aider les victimes.

- Je vois. Je suis contente de savoir qu'elle et une valkyrie comme Elysia se trouvent sur les lieux de cette attaque. De notre côté, maintenant que vous êtes ici, hâtons-nous de retourner aider le maximum de victimes, afin de les amener au camp de secours improvisé que j'ai monté avec les moyens du bord. Il y a déjà quelques valkyries et automates qui s'y trouvent pour s'occuper des blessés.

- Wouah, tu es incroyable, Senya. Comme d'habitude, on peut compter sur toi pour réagir !

Je mentirais si je disais que ma capacité de réflexion et de réactivité n'était pas supérieure à la moyenne. Mais même avec mon intellect, dans une telle situation, ça ne suffit pas. Au moins, en restant pragmatique en toutes circonstances, cela me permet effectivement d'apporter de l'aide spirituelle et une stratégie à ceux qui cèdent facilement au stress et à la panique. Comme les valkyries que j'ai assignées à garder le camp. Ce n'est pas que je désire prendre le commandement, mais elles étaient incapables de s'organiser, alors quand elles ont vu que je possédais les clés de leur organisation, elles m'ont suivie et écoutée naturellement.

Nous arrivâmes au campement de fortune que j'avais monté avec les autres valkyries. Grâce à l'aide de Kiana et Reina, nous avions réussi à aider bien plus de victimes et à les ramener au camp pour qu'elles soient prises en charge par les deux médecins de Rhine Labs qui se trouvaient heureusement à l'exposition lors de l'incident. Mais toujours pas de signe de renfort. Quelque chose n'était pas normal. Cela faisait plus d'une demi-heure à présent que c'était le chaos. Mais une fois encore, pas le temps de niaiser, il fallait qu'on continue d'apporter notre soutien aux victimes. J'avais quelques compétences en soins de première instance via mes études et ma pratique personnelle dans ma recherche de la connaissance et de la perfection. J'en profitai donc pour apporter mon aide aux blessés. Mais quand je pensais que la situation ne pouvait pas être pire, voilà que le destin s'amusait à me donner tort. Plusieurs brèches quantiques s'ouvrirent dans la zone, d'où sortaient des créatures humanoïdes que je ne pourrais réellement décrire. Ils avaient tout d'un humain classique, mais portaient une sorte d'armure recouvrant leur corps des pieds à la tête. Une armure fusionnée à leur chair. Je reconnaîtrais ces choses entre mille. Il s'agissait des soldats de la Légion du Néant*. Nous en avions entendu parler lors de nos études à l'académie. C'est un groupuscule vivant dans le royaume quantique. La Légion du Néant est une massive armée intergalactique hostile et malveillante, avec pour seul objectif la destruction de toutes vies et civilisations au sein de l'existence. Mais dans les livres d'histoire, ils sont censés être dans l'incapacité de pénétrer le voile qui sépare le royaume quantique des singularités. Ils ont été repoussés d'Erasia il y a bien des millénaires. On croise des créatures quantiques ici et là, sur Erasia, mais la Légion du Néant ? Comment auraient-ils pu pénétrer dans notre univers, hormis si on les a délibérément invités ?
Dans tous les cas, une attaque frontale de la Légion ici et maintenant était tout ce dont nous avions besoin. À peine sortis de leur brèche, ils s'attaquaient à tout ce qui bougeait. Le campement fut rapidement submergé. Il y avait toutes sortes de soldats du Néant : du simple attaquant au corps-à-corps, aux soldats armés d'armes quantiques. Il y avait même des sortes de lanceurs de sorts. Avec Kiana et Reina, nous allions vite être submergés si nous n'abandonnions pas notre position rapidement. Le campement était malheureusement perdu. Le peu de valkyries qui se trouvaient sur place étaient encore à l'académie, encore de rang B. Leur destin fut rapidement scellé, sans que nous puissions faire quoi que ce soit. Ils étaient beaucoup trop nombreux. Même des valkyries entraînées comme nous trois allions également y passer si nous ne nous repliions pas.

- Kiana, Reina, il faut qu'on se replie. Nous sommes trop à découvert ici, on va se faire encercler.

Cela me fendait le cœur de voir tous nos efforts réduits à néant. Toutes les victimes que nous avions tenté d'aider venaient de connaître un funeste destin aux mains de cette Légion. Mais actuellement, c'étaient nos vies qui étaient en jeu. Il fallait qu'on se sorte de cette situation. Dans notre repli, nous étions poursuivis et attaqués sans cesse par les soldats du Néant. Je doutais que nous puissions en venir à bout, même à nous trois, surtout que je n'avais pas encore mon équipement. Il fallait donc que j'improvise une stratégie. Plus on s'éloignait de notre campement initial, moins ils étaient nombreux. Ma théorie était donc bonne : ils ne pouvaient pas s'écarter trop de la brèche d'où ils sortaient. Mon plan était donc simple : il fallait qu'on s'éloigne au maximum et qu'on rejoigne une zone fermée, avec peu d'espace. Une petite rue ou un bâtiment ferait l'affaire. Malheureusement, l'exposition était en plein centre du parc national de la ville, donc peu de bâtiments et de rues. Par chance, au bout de cinq minutes de course et de luttes incessantes, nous arrivâmes dans la partie de l'exposition qui s'étendait à l'intérieur du centre-ville. J'invitai Kiana et Reina à rejoindre le bâtiment à notre gauche. Nous entrâmes avec hâte à l'intérieur. J'étais soulagée de voir que mon plan avait fonctionné. La Légion avait arrêté la poursuite, et seulement quelques agents nous avaient suivis. Un détail que nous réglâmes sans trop de difficulté. Enfin, nous avions un moment de répit.

- Ça va, toutes les deux ?

- Ouais. Mais c'est quoi ces types ? D'où ils sortent ?!

- Je crois sans pouvoir me tromper qu'il s'agit de soldats de la Légion du Néant. Nous avions étudié cette faction lors de notre quatrième année à l'académie.

- … Ouais, je m'en souviens. Je crois...

- Hum, souris-je, ça va, Kiana, je suis là pour écouter à votre place, à toi et à Reina. J'ai l'habitude.

- Héhé...

- Dans tous les cas, cette Légion ne devrait pas pouvoir pénétrer notre singularité. Cela fait longtemps qu'ils ont été bannis de notre monde. Je crains que tout ceci ne soit pas dû au hasard et que quelqu'un ou quelque chose leur a ouvert la porte...

- Mais pourquoi ? Ça n'a aucun intérêt de faire ça, hormis causer des victimes inutiles...

- Bien que notre univers connaisse une paix durable actuellement, cela n'empêche pas que certains n'aient d'autres objectifs que de voir le monde brûler. Ils attendaient peut-être une occasion de passer à l'action. Permettre à une faction qui n'a pour ambition que la destruction totale de toute civilisation est un bon moyen pour accomplir un tel acte sans se salir les mains...

- Voilà une conclusion bien hâtive et réductrice, si tu veux mon avis, jeune fille.

Sous l'effet de la surprise, nous nous retournâmes toutes les trois vers la direction de cette mystérieuse voix féminine qui venait d'atteindre nos oreilles. Dans un coin de la pièce, nous pouvions apercevoir une silhouette assise, nous scrutant de son regard rutilant. Cette femme à l'apparence charmante et l'allure élégante pourrait paraître inoffensive, mais on dit bien qu'il ne faut pas juger un danger par sa forme. Et je sentais quelque chose dans cette silhouette qui me mettait mal à l'aise. Comme si mon subconscient me criait de toutes ses forces de fuir.
- Qui êtes-vous ?

- D'où sortez-vous ?!

- Ce serait plutôt à moi de vous retourner la question. Qui vous dit que je n'étais pas ici avant vous ? Pourquoi ne serais-je pas une victime se cachant pour sa vie ?

- J'ai vu assez de victimes aujourd'hui pour deviner aisément que vous n'avez rien d'une victime. Et au vu de votre intervention suite à mes paroles, je ne prends pas trop de risques en émettant l'hypothèse que vous êtes derrière cet attentat...

- Pourquoi ?! Pourquoi faire cela ? Toutes ces vies innocentes condamnées pour quel but ?! Si vous en avez après le système, attaquez-vous à ceux qui peuvent se défendre ! J'imagine que vous êtes trop lâche pour ça, hein ?!

- Tu as la langue bien pendue pour une anomalie. Mais j'imagine que je ne devrais pas être étonnée, c'est toujours un trait de caractère prononcé chez les Kaslana.

- Qu... Vous me connaissez... ?

- Évidemment que je te connais, Kiana Kaslana.

Par réflexe, je me plaçai sans réfléchir devant Kiana, comme pour la protéger du regard de cette femme. J'avais un mauvais pressentiment et mon inquiétude grimpa en flèche lorsque cette femme annonça connaître Kiana. Comptait-elle s'en prendre à Kiana ? Était-elle dans ce bâtiment pour cette dernière ? Nous suivait-elle depuis le début ? Peu importe la réponse, je devais protéger Kiana de cette femme. J'ignore si mon acte était utile, mais je ne laisserais pas s'en prendre à Kiana.

- Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ?

- Voyons, inutile de jouer les chevaliers blancs. Si j'en avais après votre amie, ce ne sont pas deux petites valkyries de votre niveau qui auraient pu y faire quoi que ce soit. J'ai déjà obtenu ce que je désirais.

- La destruction ?

- C'est incroyable cette manie que vous avez, vous, les simples d'esprit manipulés par un système aussi naïf que votre existence, de tirer des conclusions si prévisibles. Un acte dont vous ignorez la portée est inéluctablement mauvais et condamnable. Mais je ne peux décemment pas vous en imputer la faute. Après tout, vous ne faites qu'agir selon votre éducation et l'influence qu'on vous inculque à la naissance. Mais réjouissez-vous, bientôt, cette doctrine prendra fin. Vos esprits s'ouvriront sur la réalité. Malheureusement, le prix de la liberté a toujours un coût.

- Si la mort de milliers d'innocents est le prix à payer, alors je préfère rester aveugle.

- Encore une réponse préméditée, d'un esprit étriqué. Je dois admettre une certaine déception d'un esprit aussi vif que le tien. Permettez-moi donc de vous poser une question : dans quel but vivez-vous ? Ou plutôt, laissez-moi le formuler autrement : pourquoi êtes-vous en vie ?

La réponse à cette question est normalement logique et limpide, mais pourtant, j'étais incapable de trouver une réponse à ce moment précis. Cette question était un piège dans lequel beaucoup d'esprits brillants sont tombés en recherchant la signification de la vie. J'imagine qu'il n'y a pas réellement de réponse en vérité, ou plutôt, que la réponse dépend de la personne.
- Répondre à une question non sollicitée ou remettre en question le principe de l'existence est toujours une tâche difficile. Le concept de l'existence est si vaste que nous ne sommes pas censés trouver une réponse définitive à cette question. Cependant, dans le cas de votre existence en tant qu'habitants des singularités, vous avez un but. Ainsi, en réponse à votre question sur le "pourquoi", il ne s'agit pas d'un désir de voir le monde brûler par pur plaisir, mais plutôt d'une tentative de corriger l'hérésie de votre existence.

Cette femme parlait de nous comme si nous étions différents. N'était-elle pas humaine elle-même ? Il est vrai que je ne ressentais pas son éther. Existait-il vraiment des humains en dehors des singularités au sein du royaume quantique ? Peut-être que je tirais des conclusions hâtives, mais si c'était réellement le cas, alors qu'étaient les singularités ? Pourquoi créer un univers dans un autre ? J'avais comme un pressentiment selon lequel certaines personnes de notre monde pourraient déjà en savoir plus qu'elles ne le laissent paraître au peuple. Nous avions déjà affronté la Légion par le passé et voyagé au-delà de notre singularité, au sein même du royaume quantique. Je refusais de croire que ceux qui dirigeaient le monde ignoraient la vérité derrière tout cela.

- Ce que vous dites ne sont que des conneries ! Qui êtes-vous pour juger l'existence des autres ? Vous n'avez aucun droit de décider qui mérite de vivre ou de mourir. Vous pouvez vous cacher autant que vous le voulez derrière votre mensonge de nous libérer de notre existence. Pour moi, vous n'êtes qu'une folle justifiant ses actes par de vaines prétentions !

Kiana s'avança, pointant son arme en direction de la femme, la mettant en joue.

- Je suis une valkyrie, et il est de mon devoir de protéger les autres des personnes comme vous !

Je devais admettre que mettre cette femme en joue n'était peut-être pas une idée optimale, mais Kiana avait raison. Nous étions face à l'une des responsables de cet attentat, et il était de notre devoir de protéger les innocents... J'ai donc décidé d'accompagner Kiana et de soutenir son intention de nous rebeller contre cette femme en armant mon drone de poche que j'avais réactivé. Évidemment, cette femme ne semblait pas du tout surprise ni stressée.

- Je suppose que cela ne me fera pas de mal de m'entraîner un peu. Trois minutes. Je vous accorde trois minutes de mon temps, après quoi viendra le grand final.

La femme qui nous faisait face dénoua ses jambes et se redressa, prête à nous affronter. J'ignorais si c'était de l'arrogance ou un excès de confiance, mais son calme me donnait des frissons. Quoi qu'il en soit, Kiana resserra sa prise sur son arme, laissant une clarté nette quant à sa prochaine action. Mais ce fut notre adversaire qui engagea l'affrontement en faisant apparaître des lames scintillantes autour d'elle d'un claquement de doigts, qu'elle lança avec une précision mortelle vers nous. J'ai réagi instinctivement, dirigeant mon drone pour intercepter les lames en vol, mais elles ont transpercé mon drone avec une aisance déconcertante, le mettant hors service. Quel genre de lames étaient-ce ? Cette couleur rose scintillante me faisait penser à la magie d'un stigma de type psychique. Si elle possédait un stigma basé sur les capacités psychiques, cela allait être un véritable calvaire. Quelle était la probabilité de tomber sur l'un des types de stigma les plus rares de l'univers ? Et, comme je le craignais, la riposte de Kiana s'est heurtée à un mur invisible qui semblait protéger notre ennemie. Les projectiles de Kiana se sont désagrégés à l'approche de cette femme. Que ce soit mes attaques à distance à l'aide de mes attaques quantiques, celles de Kiana avec sa manipulation de la gravité, ou encore celles de Reina avec ses propres capacités, nous étions incapables d'atteindre notre adversaire. Elle était bien trop rapide, se contentant de se protéger derrière sa barrière psychique, ainsi que de se téléporter un peu partout dans la salle. Une fois à bonne distance, elle profitait de chaque opportunité pour nous lancer une salve de lames, et ainsi de suite...
Cette femme commençait à m'agacer sérieusement. Elle se moquait ouvertement de nous, ne nous prenant pas au sérieux une seule seconde. Malgré mes tentatives d'utiliser les capacités de mon stigma conjuguées à mes armes, rien ne semblait fonctionner. Elle était toujours plus rapide, et cette mystérieuse capacité qui détruisait nos projectiles en plein vol m'intriguait au plus haut point. J'avais bien une idée pour mettre un terme à cette impasse, mais cela comportait des risques. Si je perdais le contrôle de mon stigma, Senya et Reina pourraient être mis en danger. Je n'avais jamais essayé d'utiliser mes pouvoirs de cette manière auparavant, mais il était temps de passer à l'action. Je concentrais mon éther, le rassemblant dans mon bracelet droit tout en tendant la main vers cette femme. Elle réagit immédiatement, me prenant pour cible. Il n'y avait plus de temps à perdre. Je relâchai l'énergie accumulée d'un seul coup, stoppant cette femme dans son élan, ainsi que tout ce qui se trouvait aux alentours. Un mini-trou noir apparut au centre de la pièce, implosant sur lui-même la seconde suivante et déclenchant une onde de choc titanesque. Le bâtiment tout entier tomba soudainement en ruine, les étages supérieurs s'effondrant sur nos têtes.

Dans ma précipitation, j'avais perdu le contrôle. Une fois de plus, j'avais échoué à faire quelque chose de bien avec mes capacités. Et maintenant, j'avais mis Reina et Senya en danger. Alors que le bâtiment tremblait avec force et menaçait de s'effondrer à tout moment, cette femme se mit à flotter, ses yeux prenant une teinte mauve scintillante. Tout s'arrêta de trembler soudainement, et le bâtiment fut enveloppé d'une lueur rose, la même couleur que la magie de cette femme. Puis, dans un mouvement inattendu, l'atmosphère entière changea. Nous semblions transportés dans une autre dimension. Pendant ce temps, le bâtiment commença à se détacher du sol et à s'élever dans les airs. Une fois en l'air, la femme démonta le bâtiment autour de nous comme s'il s'agissait de simples blocs de construction. Nous nous retrouvâmes suspendus dans les airs, entourés des débris tourbillonnants. Où étions-nous ? Étions-nous encore à Arcadia ? Le sol et le ciel avaient disparu, remplacés par une tornade de débris, avec cette femme, maintenant terrifiante, flottant au milieu.

Spoiler:

- Pourquoi cet air si étonné ? dit-elle d'un ton moqueur. Ce n'était pas ce que tu voulais, réduire en poussière ce bâtiment ? Je te montre simplement un moyen plus efficace de réaliser ton objectif. La prochaine fois que tu veux enterrer quelqu'un, évite d'inviter tes amis. Inutile de me remercier de vous avoir sauvé de ton incompétence. Tu devrais faire plus attention en utilisant un pouvoir qui te dépasse, l'anomalie.

- …

Je restai sans voix, reconnaissant malgré moi qu'elle avait raison. J'avais échoué et mis Senya et Reina en danger. Je n'avais rien accompli, et elle avait indirectement sauvé la situation, aussi irritant que cela puisse être de l'admettre.
Cette femme dépassait de loin tout ce que j'avais imaginé. Aucune stratégie n'allait fonctionner quand la nature même de ce qui se produisait autour de nous dépassait la logique. Cela dépassait de loin le simple pouvoir d'un stigma. Ce n'était pas seulement le fait qu'elle puisse soumettre toute matière à son contrôle, mais surtout que je ne pouvais expliquer où nous nous trouvions actuellement. Se pouvait-il que nous étions dans un espace stigma ? C'était peu probable. Jusqu'à présent, il n'y avait jamais eu de preuve directe de l'existence de l'espace imaginaire* d'un stigma. C'était tout de même une possibilité. Jusqu'à présent, ce n'était que des théories sur l'existence d'un tel espace, car cela demandait une liaison parfaite avec son stigma. Une telle perfection permettrait de ne faire qu'un avec son propre univers imaginaire et de l'étendre à la réalité. C'était effrayant. Nous n'avions aucune chance face à un tel ennemi. La seule question qui me venait à l'esprit était la plus logique qui soit dans ce genre de situation : pourquoi étions-nous encore en vie ? Elle avait même pris la peine de faire atterrir en douceur les débris et le sol où nous nous trouvions. Une rapide analyse de la situation suffisait à deviner qu'elle n'avait aucune intention de nous tuer. Alors, à quoi rimait tout ce spectacle ?

- Les trois minutes sont écoulées. Il est l'heure du grand final.

Sans que je puisse réagir, mon corps refusait de me répondre. Il en allait certainement de même pour Reina et Kiana, vu leur expression et la lueur rose qui entourait nos corps. Je n'arrivais pas à croire que cette femme arrive à nous soumettre sans même se fatiguer avec son seul pouvoir.

- Il est temps que le monde découvre une réalité qu'ils ont depuis trop longtemps évitée.

Cette femme se rapprochait de Kiana, cela ne me plaisait pas. J'essayais de toutes mes forces de me libérer de ma paralysie, mais en vain. Si seulement le pouvoir de l'amitié fonctionnait comme dans les fictions que nous lisions, mais là, c'était bien la réalité. Je n'arrivais même pas à entrevoir un espoir de bouger ne serait-ce que le moindre petit doigt pour empêcher cette femme de toucher Kiana. Elle arrivait rapidement à sa hauteur et posait sa main au niveau de son cœur. La peur commençait à m'envahir. Mon calme habituel laissait place à une panique incontrôlable. Une crainte soudaine de perdre un être cher. Je priais intérieurement de tout mon âme pour un miracle, pour qu'on ne m'enlève pas ma Kiana. Je maudissais mon impuissance. J'ignorais ce qu'elle faisait, mais Kiana ne semblait pas souffrir. Au bout de quelques instants, la femme se recula, semblant satisfaite. Elle nous libérait de son emprise dans le même temps.

- Maintenant, il ne manque plus qu'un petit shot de réalité, et le spectacle pourra commencer...

Sans prévenir, cette femme envoya une de ses lames psychiques droit sur moi. Elle visait la tête. Cette fois, c'était entre mes deux yeux que la lame allait finir sa course. Je savais que je ne pourrais jamais esquiver. Mais tandis que je cherchais dans la fraction de seconde que j'avais pour réagir une solution, une flèche magique surgit de nulle part et rencontra la trajectoire de la lame. Un instant plus tard, une autre flèche fit son apparition, perçant à travers l'espace où nous nous trouvions, se dirigeant droit sur la femme. Une flèche qu'elle ne prit pas le risque d'arrêter, mais se força à esquiver. Nous étions donc bel et bien dans un autre espace. Mais qui avait réussi à envoyer un projectile à travers l'espace imaginaire de cette femme ? La réponse n'allait pas se présenter sur l'instant, mais l'espace lui-même commençait à se fissurer, jusqu'à complètement se briser, faisant réapparaître autour de nous la réalité. Nous étions de nouveau sur Arcadia. Par instinct, nous tournions la tête dans la direction où regardait notre ennemi. Ce n'était pas mon genre de me reposer sur les autres, mais à cet instant, voir cette silhouette me redonnait de l'espoir. Comme si soudainement, nous n'étions plus livrés à nous-mêmes. Cette valkyrie, Elysia, avait mis fin à ce cauchemar dans lequel nous étions piégés et m'avait sauvé la vie.


La femme changea son regard à la vue de son nouvel adversaire. L'arrogance laissa place au doute, révélant une faille dans son assurance. Je me demandais jusqu'à quel point cette Elysia était à la hauteur de sa réputation, mais j'espérais ardemment que celle que l'on désigne comme l'étoile de l'Ordre soit suffisamment brillante pour éclipser cette femme terrifiante.

- Je me demandais quand la grande Elysia Valenstar ferait son apparition. Je pensais que ma barrière autour de la zone aurait tenu plus longtemps. Il semblerait que j'aie sous-estimé les petites idoles qui servent de protectrice à ce monde aveugle. Vous voilà juste à temps pour le grand final du spectacle.

- Navré, je prenais juste un moment pour me préparer avant de monter sur scène. J'en ai profité pour laisser à l'entrée les indésirables qui ne répondaient pas au critère vestimentaire du spectacle. Vous ne m'en tiendrez pas rigueur, j'espère ?

Maintenant que je scrutais notre environnement, je distinguais des dizaines de corps de soldats de la Légion étendus au sol.

- Quelle importance, une tête coupée, deux autres repousseront.

- Alors j'en coupe deux de plus, tout simplement. Ou mieux encore, je vous coupe la tête, ainsi nous abrégeons le spectacle et j'aurai peut-être le temps de rentrer pour le dîner.

- Désolée de te décevoir, mais je ne suis pas assez stupide pour m'opposer à l'étoile de l'Ordre. En revanche, « lui », je crois qu'il en est capable.

- … Lui ?

Soudainement, le sol se mit à trembler violemment. Des secousses si intenses que les bâtiments environnants commencèrent à s'effondrer et que le sol se fissura sous nos pieds. Je ne savais pas ce qui se passait, mais j'avais la certitude que la situation ne ferait qu'empirer...

Les secousses devenaient de plus en plus fortes, le sol s'effondrant sous leur violence, emportant avec lui les bâtiments alentour. Puis, une énorme brèche quantique s'ouvrit dans le sol. Une créature titanesque surgit de ce trou quelques secondes plus tard, effrayante, au corps onduleux semblant infini. Cette espèce de créature reptilienne devait mesurer au moins 50 mètres de long. Il n'y avait aucun doute possible, il s'agissait d'une créature quantique de catégorie Empereur*. Mais c'était inconcevable qu'une telle chose puisse pénétrer dans notre réalité. Les bêtes quantiques sont généralement attirées par les sources d'éther, leur objectif étant de le dévorer pour se nourrir. Les catégories Empereur et Jugement ne s'intéressent donc pas aux singularités, car il n'y a pas assez d'éther à dévorer pour les attirer. Ces créatures sont si puissantes qu'elles sont considérées comme un danger de classe cosmique. Je ne savais pas si je devais être honorée d'en voir une de mon vivant, ou effrayée. Car ces créatures ne sont que des légendes lorsque étudiées à l'académie. Mais honnêtement, je mentirais si je disais que mon corps tout entier n'était pas parcouru d'un frisson de terreur à l'heure actuelle. Car la réalité était que cette chose était terrifiante et d'une puissance si grande que l'atmosphère avait changé depuis son apparition. C'était comme si la réalité se distordait pour laisser place à celle de cette créature.

Spoiler:

- Magnifique, n'est-il pas ? Ce n'est pas tous les jours qu'on a la chance de poser les yeux sur une telle beauté de la nature. Je vous présente l'un des rejetons de Mahesvara Ouroboros : Vishnu, le dévoreur de mondes.

Malheureusement, les paroles de cette femme ne faisaient que confirmer mes craintes, les renforçant même. Cette créature était réellement Vishnu ? Nous avions appris les noms des créatures régnant dans le royaume quantique, et je me souvenais que Vishnu faisait partie des créatures de la catégorie Empereur. C'était inconcevable. Que pourrions-nous faire face à un tel monstre ? Je doutais même qu'une valkyrie comme Elysia puisse gérer une telle monstruosité. La seule donnée qui jouait en notre faveur était que les créatures qui sortaient de l'espace quantique étaient affaiblies. Les singularités n'ayant pas une réserve aussi intense d'éther que le royaume quantique, plus la créature était grosse, plus elle consommait d'énergie. Donc, une telle créature sur notre monde, théoriquement, ne devrait posséder qu'une infime partie de sa puissance. Mais même amoindri, il s'agissait d'une créature représentant une menace de classe cosmique, qui avait pour régime des mondes quantiques entiers.

La créature poussa soudainement un rugissement terrifiant à glacer le sang. La seconde suivante, son corps se chargea en énergie, qu'il rassembla jusqu'à ce qui semblait être sa gueule, avant de commencer à raser les environs à coups de rayons d'énergie. Un seul assaut désintégra tout un groupe de bâtiments. Il fallait agir, car il ne se contenterait pas de détruire uniquement le quartier, il détruirait toute Arcadia. D'ici à ce que les renforts arrivent – car cette fois, il ne fait aucun doute qu'ils arriveront – cette créature aura malheureusement déjà tout détruit sur son passage. Nous devions attirer son attention, même si c'était suicidaire. Heureusement, Elysia avait également eu la même idée, car la créature tourna son attention et sa rage vers elle, après avoir reçu une flèche de cristal entre les deux yeux.

- Vous trois, mettez-vous à couvert. Ce n'est pas de votre âge. Elysia va s'en occuper.




La riposte de la créature quantique ne se fit pas attendre. Elle lança un furieux coup de queue de son imposant corps onduleux droit sur le bâtiment où se tenait Elysia. Le bâtiment vola en éclats tandis que la valkyrie quitta sa position et retomba avec grâce sur ses jambes, sur un bâtiment voisin, ne semblant pas plus perturbée que cela.

- Ouf, c'est pas passé loin. Je dois admettre que pour une créature quantique, tu es plutôt d'une forme atypique. Tu es vraiment moche, même pour les standards quantiques.

Une tir de laser sortant de la gueule de la créature s'abattit sur la valkyrie, qui esquiva avec agilité et riposta en envoyant des flèches en guise de réponse. Les projectiles de la valkyrie semblaient néanmoins à peine abîmer la carapace extérieure de la créature, bien que des éclats de cristaux restaient incrustés dans le corps du titan à chaque fois qu'une flèche d'Elysia explosait sur la créature. La valkyrie semblait s'en sortir contre cette créature, mais il était évident qu'elle savait qu'elle ne la détruirait pas. Elle faisait sûrement cela pour gagner du temps et éviter que cette créature ne fasse trop de dégâts avant l'arrivée des renforts de l'Ordre. Cela pouvait se deviner en observant les mouvements de la valkyrie. Elle ne faisait que tourner dans la zone, essayant de garder la créature dans un territoire restreint. Mais vu le pouvoir de destruction de cette créature et sa taille titanesque, elle allait bientôt manquer de couverture et de bâtiments sur lesquels se reposer.

La situation ne me plaisait pas. Une fois de plus, je détestais laisser les autres tout faire à ma place, mais au vu de la stratégie d'Elysia, nous allions plus la gêner qu'autre chose si nous restions dans la zone de l'affrontement. J'étais rassurée de voir qu'elle arrivait à gérer cette créature, mais d'un autre côté, son attitude était inquiétante. Prenait-elle réellement tout autant à la légère ? Une créature démesurée tentait quand même de la pulvériser. Dans tous les cas, moi, ainsi que Reina et Kiana, avions pris nos distances, profitant du fait que le monstre soit occupé avec Elysia pour évacuer les quelques survivants qui restaient dans la zone. Quelque chose me disait que ça allait bientôt devenir un véritable champ de ruines ici. Il fallait donc évacuer le plus vite possible les personnes qui n'avaient pas encore pu s'échapper. Nous gardions tout de même un œil sur cette chose et sur l'affrontement en arrière-plan. Mais quelque chose me perturbait depuis plusieurs secondes : où était passée cette femme ? Avec l'apparition de cette chose et notre précipitation, nous l'avions temporairement oubliée, mais maintenant que j'y pensais, cela m'inquiétait. Où était-elle ? Je stoppais mon action afin d'essayer d'observer les alentours, espérant la retrouver, mais elle n'était plus là.

- Senya, tu fais quoi ? On devrait s'éloigner et couvrir ces gens pendant leur extraction.

- Reina, Kiana, répondis-je, inquiète, vous savez où est passée cette femme ?

Mes deux amies se regardèrent, réalisant soudainement la même chose que moi. Cette femme avait disparu. Mais nous étions toutes les trois certaines d'une chose : elle était toujours dans le coin. C'était une évidence. Peut-être avait-elle pris ses distances également ? Après tout, elle ne semblait pas contrôler cette créature et pouvait potentiellement devenir une cible également. Si son seul objectif était de faire le maximum de victimes, alors son objectif était déjà accompli. Que ce soit avec l'attentat ou l'apparition de ce monstre qui avait réduit en miettes déjà une grosse partie de la zone, le nombre de victimes se comptait cruellement certainement en milliers à l'heure actuelle. Si son objectif final était l'apparition de ce monstre, alors peut-être n'avait-elle plus besoin de faire acte de présence. Mais quelque chose me disait que c'était peu probable. Ce genre de personne ne s'arrête pas à si peu.

Bien qu'Elysia et la créature quantique semblaient se livrer une bataille dantesque, seulement quelques minutes s'étaient écoulées. Mais que ce soit pour le trio ou Elysia, cela semblait faire des heures que ce monstre ravageait la zone. Chaque minute qui passait, c'était plus de victimes et de destruction. Cette créature était bien trop titanesque pour être mise au sol ou abattue par une seule valkyrie. Du moins, Elysia en semblait incapable, et c'était pourtant la numéro 2 de l'Ordre. Ses projectiles ne faisaient pratiquement aucun dégât à la monstruosité. Ce n'était pas pour rien que cette catégorie de créature quantique était classée aussi haut dans les menaces pour l'univers. Néanmoins, la créature semblait ralentir au fil des projectiles et des éclats de cristaux rosâtres que laissait Elysia sur le corps onduleux de la créature. Bien que le corps de la créature semblait irréel, il recevait bien les coups. Et le titan destructeur commençait à perdre en souplesse. C'était comme si la créature était en train de geler au fil du temps. Le plan d'Elysia était limpide. Son objectif final n'était pas de détruire la créature, elle en était incapable, mais de la cristalliser pour la mettre hors d'état de nuire. Finalement, ces valkyries n'étaient peut-être pas que des idoles, mais heureusement également des combattantes à la hauteur de leur mission. Mais la taille et la résistance de cette créature étaient largement hors des normes, ce qui allait prendre plus que quelques secondes pour la cristalliser totalement. Et bien qu'elle ne puisse plus se mouvoir comme elle le désirait, elle avait toujours sa gueule pour tirer de puissants rayons destructeurs.

Malheureusement, le plan d'Elysia allait connaître une conclusion négative, au moment où la créature émit un puissant rugissement, tandis que son corps se mit à scintiller intensément. Une intense pression et chaleur s'échappaient du titan, faisant fondre et disparaître les cristaux sur son corps. La créature semblait pouvoir changer l'élément de son corps pour s'adapter à la situation. Car on pouvait observer à présent une couleur plus froide et chaude s'écouler le long du corps onduleux de la créature, faisant penser à l'élément glace ainsi qu'à celui du feu. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, tandis qu'Elysia continuait d'esquiver les assauts du titan, elle fut soudainement paralysée. Son corps était entouré d'une pellicule rose.

La situation commençait à dégénérer et à prendre une tournure qui ne me plaisait guère. J'avais vu clair dans le plan d'Elysia et dans son intention de paralyser cette créature. Malheureusement, il semblait pouvoir modifier les propriétés élémentaires de son corps. Mais le plus effrayant fut lorsque mes yeux se posèrent sur cette femme. Je l'avais retrouvée, elle était réapparue. Et elle avait la main tendue en direction d'Elysia, la paralysant ainsi. Elle était trop éloignée de notre position pour que nous puissions intervenir, Reina, Kiana et moi, et c'était de toute façon trop tard. Maintenant paralysée par son pouvoir, Elysia était à la merci de la créature qui lui envoya un assaut frontal si puissant que je me demandais comment elle n'avait pas traversé la stratosphère. Mais à ma grande surprise, malgré l'impact, la créature reçut un projectile d'une Elysia semblant être en bonne santé. Comment était-ce possible ? Personne ne pouvait sortir indemne d'un tel impact, à moins de posséder une protection aussi solide que du cristal, j'imagine. Bien que nous soyons éloignés, ceux qui possédaient un Stigma avaient un métabolisme bien supérieur à l'humain classique, ce qui signifiait que notre vue était aussi améliorée. J'avais donc, malgré la distance, une bonne vision de ce qui se passait à une centaine de mètres de notre position. Bien qu'à une telle distance, nous n'ayons pas tous les détails, j'avais une vue assez nette pour observer la peau d'Elysia semblant brisée à certains endroits. Avait-elle réussi à encaisser cet assaut en se protégeant avec la nature de ses capacités ? C'était impressionnant. Mais également effrayant. Comment pouvait-on atteindre un tel niveau de maîtrise de son Stigma ? C'était donc cela, les valkyries ultimes de l'Ordre ? C'était rassurant. La différence se jouait donc là, entre un utilisateur de Stigma classique et un utilisateur qui avait totalement maîtrisé son Stigma. Si seulement j'arrivais un jour à maîtriser aussi bien le mien, peut-être serais-je alors capable de protéger Kiana et Reina. Pas comme j'ai échoué à le faire précédemment...

En attendant, maintenant que nous avions mis à l'abri les derniers survivants, sans pouvoir les faire sortir de la zone, nous ne pouvions pas rester là, à regarder Elysia affronter cet Empereur quantique et cette femme en même temps. Mais que pouvions-nous faire ? Nous n'avions même pas réussi à ne serait-ce qu'approcher cette femme tout à l'heure. J'avais du mal à mettre en place une stratégie qui ne nous coûterait pas la vie. J'avais beau retourner tous les scénarios dans ma tête, que ce soit ce monstre ou cette femme, nous n'avions aucune chance. Cela ne me ressemblait pas de paniquer, ou d'hésiter, mais j'avais comme un blocage. Je n'arrivais pas à m'enlever de la tête mon échec. J'avais été incapable de protéger Kiana et Reina de cette femme. Comment pourrais-je prétendre pouvoir lutter contre un tel monstre ? J'observais la situation au loin, sans pouvoir agir, l'angoisse commençant à m'envahir. J'étais comme tétanisée par la situation, par mon incapacité à protéger ceux que j'aime. La réalité que je n'étais au final qu'une gamine derrière mon assurance et ma recherche de perfection. C'était donc de cela que Seria me mettait en garde lorsqu'elle me parlait de mon assurance et de mon attitude.

De nouveaux soldats du Néant nous tombèrent dessus soudainement, alors que nous étions à bonne distance. Kiana et Reina se défendaient et essayaient de les vaincre afin de protéger les quelques survivants que nous avions mis à l'abri. Mais moi, j'étais incapable de bouger, mon corps refusait de répondre. Tout était silencieux autour de moi, je n'entendais plus les sons de la bataille qui faisait rage, ni ne voyais les assaillants. J'étais perdu dans mes doutes et ma crainte. J'avais peur. Peur de l'échec. Peur de ma faiblesse. Peur de perdre ceux que j'aime. Même lorsque j'ai été prise pour cible par l'un des soldats du Néant, j'étais incapable de réagir, tétanisé. Le soldat a péri sous mes yeux avant de m'atteindre, abattu par Reina pour me protéger. Je crois qu'elle m'appelait, mais je pouvais à peine l'entendre. Tout était si sombre autour de moi. Je commençais à comprendre ce qui m'arrivait. Posséder un Stigma accorde des avantages, mais c'est également un risque lorsque nous perdons le contrôle de nous-mêmes. Cela s'appelait la désynchronisation imaginaire. Le Stigma pouvait autant être un atout qu'un poison. Étais-je réellement en train de me perdre dans mon esprit ? Ma crainte et la réalité qui m'ont frappé ont peut-être provoqué un traumatisme suffisant pour me désynchroniser. C'était le pire moment pour faire une telle expérience. C'est vraiment pathétique, ma faiblesse est réellement une plaie...

Mais tandis que je me perdais de plus en plus profondément dans cet espace, incapable de réagir, je commençais à entendre de nouveau des voix. Les voix de Kiana et Reina devenaient de plus en plus claires. Je sentais aussi mon corps bouger assez intensément. Mon esprit prenait peu à peu conscience de la réalité qui m'entourait, réalisant que Reina était en train de me secouer vigoureusement tout en me hurlant dessus. Elle devait avoir compris ce qui m'arrivait. J'ignore si c'est la bonne solution, mais mon esprit devenait de plus en plus clair, donc j'imagine que ça fonctionnait. Finalement, après un laps de temps certainement court, je repris enfin conscience de la réalité. Il n'y avait également plus de soldats du Néant. Reina et Kiana ont dû en venir à bout pendant que j'étais incapable d'agir.

- … Tu peux arrêter de me secouer, Reina, c'est bon, je crois... Merci..

- Senya ! Tu nous as fait peur ! Qu'est-ce qui t'arrive ? Reina m'a parlé d'un truc lié à ton Stigma !

- … Désolé... Ça ne se reproduira pas. Ne vous inquiétez pas.

- J'espère bien, on a eu peur avec Reina !

De nouveaux soldats arrivèrent pendant que je m'excusais. Mais cette fois, je n'étais plus paralysé, il fallait que j'intervienne.

La situation devenait tendue pour l'étoile de l'Ordre. Après avoir reçu un coup suffisamment puissant pour tuer normalement n'importe qui sur le coup, son corps semblant cristalliser commençait à s'effriter avant de finalement retourner à son état d'origine, en parfait état. Malheureusement, l'elfe rose avait été envoyée assez loin de sa position, et il semblait qu'elle ne pourrait pas retourner s'occuper de la créature avant de s'être débarrassée de cette femme qui semblait vouloir en découdre. Son objectif semblait évident : elle voulait éloigner la valkyrie de l'Ordre afin de laisser la créature libre de causer un maximum de dégâts. Le simple fait que la femme avait déployé son espace imaginaire une nouvelle fois, afin d'isoler Elysia de la réalité, était une preuve suffisante.

- Voilà un paysage peu joyeux. Ça manque de couleurs.

- Navré, le rose ne fait pas partie de mes couleurs favorites. Mais je te laisse essayer de rajouter de la couleur, si tu en es capable.

- Voilà que tu me proposes une danse maintenant. J'imagine que je n'ai pas le choix d'accepter. Ce n'est pas tous les jours qu'on a la chance de danser avec Elysia. Profite de cette chance. Ce sera la dernière chose dont tu profiteras dans cette existence.

- Compte sur moi pour savourer ce moment.

Ces soldats n'en finissaient jamais. Nous en avions renvoyé dans le néant qui les avait vus naître je ne sais combien, mais ils continuaient d'arriver. Ils semblaient cependant assez faibles, comparés aux premiers qui étaient apparus. J'ignore la raison à cela, mais ces soldats étaient bien plus faciles à combattre. Pendant que nous luttions contre ces types, je remarquai du coin de l'œil quelque chose de potentiellement inquiétant. Où était Elysia ? Je ne la voyais plus combattre cette créature. D'ailleurs, le serpent géant avait disparu de notre champ de vision. Comment quelque chose d'aussi gros pouvait-il disparaître ? Où était-il ? J'eus un mauvais pressentiment soudainement, réalisant qu'avec l'absence d'Elysia, il n'y avait plus personne pour occuper ce monstre. Si je me souviens de mes cours, du peu que j'ai suivi, les créatures quantiques sont attirées par l'éther. Plus elles sont grosses, plus elles en ont besoin. Si c'est bien ça, alors les prochaines cibles de cette créature devraient être...

- ... Nous !

Le sol se fissura sous nos pieds. Avant qu'il ne s'effondre, je me dégageai rapidement de ma position. Je me souvenais très bien de la première apparition de cette créature. Elle était sortie de sous nos pieds. Et c'était une nouvelle fois le cas. Revoilà ce serpent géant. Je vais finir par croire que c'est moi qui l'attire. Déjà la première fois, c'était exactement sous ma position qu'il était apparu, après que je me sois écarté. Je lui plaît au point qu'il veuille me bouffer ? Navré, mon gros, mais je ne suis pas au menu du jour. Je commence à comprendre ce que ressent un cafard qu'on essaie d'écraser. Cette chose me chasse comme un insecte. Un seul coup et je suis fini. Je ne sais pas comment j'arrive à éviter ses assauts, mais il semblerait que je puisse remercier mes capacités pour jouer avec la gravité. Le problème, c'est que je ne lui fais pas grand-chose avec mes armes à feu. Et je doute que je vais lui faire bien mal si je lui fonce dessus au corps-à-corps. Puis, déjà, je tape où ? Sa gueule est bien trop haute et il est trop vif pour me laisser une opportunité de jouer les acrobates. Si seulement il avait un point faible bien visible, comme dans les jeux vidéo. Ce serait plus pratique.

Il semblait se lasser de mes pirouettes, car il commençait à s'illuminer comme un sapin, tout en ouvrant la gueule. J'avais déjà vu ça. Il s'apprêtait à tenter de me désintégrer à coup de laser de la mort. Je commençais à sprinter aussi vite que je pouvais hors de ma position pour éviter de finir en rôti. Mais alors que je m'attendais à son tir, il s'arrêta, après avoir reçu une sorte de projectile derrière sa gueule. Je tournai mon attention vers la direction d'où provenait le projectile, ravie de voir qu'il s'agissait de Senya, qui était visiblement montée sur le toit d'un des bâtiments pour avoir une meilleure position de tir. Le souci, cependant, c'était qu'à présent, la créature se dirigeait droit sur le bâtiment où se trouvait Senya. Mais j'imagine qu'elle a un plan... ?

J'ignore réellement ce qu'il m'est arrivé précédemment, mais je doute que ce soit le résultat d'une désynchronisation imaginaire. Pour en arriver à un tel effet, il y a plusieurs prérequis négatifs à remplir. Je doute qu'une simple désillusion puisse causer cela. Il est aussi peu probable qu'on puisse se sortir d'une désynchronisation aussi rapidement, juste en se faisant secouer très fort et hurler dans les oreilles. Ma situation ressemblait plus à une perte de mes sens et de la réalité qui m'entoure. J'ai peut-être sous-estimé mes blessures liées à l'explosion. Peut-être est-ce le résultat post-traumatique d'un choc que j'ai reçu à la tête lors de ma perte de conscience ? J'avais du mal à expliquer réellement ce qui avait causé une telle paralysie, mais c'était forcément lié à mon Stigma. Si on survit à cette journée, il serait de bon augure que j'en parle à Seria, elle saura peut-être quelque chose. En attendant, grâce à Reina et son soutien, j'étais revenu à moi. Et heureusement, car la situation devenait critique. Pendant que nous défendions notre position contre ces soldats, Elysia semblait avoir disparu, piégée par cette femme sans aucun doute. Et la créature quantique n'a pas tardé à nous prendre pour cible. Ou plus précisément, Kiana. Pourquoi cette créature semblait-elle si attirée par Kiana ? Encore une réponse qui allait devoir attendre, car il fallait qu'on aide Kiana à se sortir de cette situation. Nous n'avions plus le choix, nous allions devoir affronter cette créature à nous trois. Fuir n'était plus une solution. Il fallait qu'on protège la cité de ce monstre, en attendant les renforts. Elysia n'étant plus dans le paysage, c'était à nous de prendre la responsabilité de protéger les civils. L'avantage, c'est que plus aucun soldat n'apparaissait depuis que ce monstre nous avait rejoints. La mauvaise nouvelle, c'est que l'abri où nous avions caché les survivants allait certainement être pris dans l'action. Il fallait qu'on agisse. La priorité était d'aider Kiana et la survie du peu de survivants qui restaient.

- Reina, je vais m'occuper d'aider Kiana en attirant l'attention de cette créature. Pendant ce temps, prends avec toi le groupe de survivants et mets-les à l'abri. Il y a une station de métro à une centaine de mètres de notre position. Emmène-les à cet endroit, ils seront certainement plus en sécurité sous terre que sur terrain plat. Je vais essayer de te faire gagner du temps en occupant l'attention de cette créature.

Je laissais Reina partir effectuer la mission que je lui ai confiée, tandis que je me dirigeais vers mon objectif. J'avais repéré un bâtiment assez élevé à une trentaine de mètres de ma position, c'était une position idéale pour avoir un angle de tir plus approprié. Je n'avais toujours pas mon équipement à disposition, mais cela ne m'empêchait pas d'utiliser les capacités de mon Stigma. Cela en réduisait néanmoins la puissance et augmentait la consommation d'énergie. Sans parler de mes capacités de mouvements qui étaient amoindries sans mon équipement optimisé. Mes compétences martiales d'auto-défense m'ont aidé jusqu'à maintenant, mais à présent qu'on devait faire face à ce titan, il fallait qu'on soit à notre maximum. Néanmoins, maintenant que j'y repensais, l'absence de renforts, ainsi que l'absence de Seria, commençait à m'inquiéter. Cela devait faire bien plus d'une heure que l'attentat a eu lieu et environ une quinzaine de minutes que cet Empereur quantique a débarqué sur Erasia. C'est impossible que l'Ordre ne soit pas en alerte maximale. Il devait y avoir quelque chose qui empêche les renforts d'arriver, mais quoi ? La seule théorie qui me vient à l'esprit serait que nous soyons dans un espace de réalité différent. Je doute que ce soit lié à cette femme cette fois. Car j'imagine que c'est dans son espace imaginaire qu'elle a piégé Elysia. Ça veut dire que l'altération de la réalité qui se produit en ce lieu est peut-être causée par ce monstre ? Depuis son apparition, l'atmosphère a drastiquement changé. Je ne serais pas étonné qu'une telle créature puisse modifier l'espace. Après tout, c'est une bête liée à l'espace quantique à un degré bien au-delà de toute existence classique. Peut-être sommes-nous dans une sorte de réalité quantique ? Pourtant, tout semblait bien réel autour de nous. La deuxième théorie serait que nous soyons toujours dans la réalité, mais que cette créature modifie tout de même l'espace autour de sa position, créant peut-être une perturbation autour de cette même position. Il n'y a peut-être que ceux qui étaient présents à l'exposition qui sont actuellement capables de voir et d'affronter cette créature.

Quant à Seria, selon Kiana et Reina, elle était avec Elysia. Mais Elysia était toute seule lorsqu'elle est arrivée sur notre position pour nous venir en aide face à cette femme. Elles ont certainement dû se séparer pour couvrir plus de territoire et aider plus de mondes, mais je doute que Seria nous laisse nous débrouiller avec une telle créature sans nous venir en aide à son tour. Je pense que la seule raison à cela, c'est qu'elle a dû tomber sur un contretemps. Nous ne jurons que par cette femme, mais peut-être qu'elle n'est pas la seule sur les lieux ? Si Seria est également tombée sur une personne similaire à cette femme, alors ça pourrait expliquer qu'elle soit absente. Au vu de l'action de cette femme, qui avait pour objectif d'occuper Elysia et de l'empêcher d'intervenir, il me paraît clair que cette légion était renseignée sur les valkyries qui étaient présentes ce jour-là à l'exposition. Je ne serais pas étonnée si de base, sachant qu'il n'y avait que deux valkyries de rang S à l'exposition, leur objectif était de piéger ces deux-là avant toute chose. Cela fait sens si l'objectif est de permettre à cette créature de faire un maximum de dégâts. Bien qu'Elysia ne soit visiblement pas en mesure d'en venir à bout, elle s'en sortait plutôt bien à l'occuper. Mais d'un autre côté, cette femme semblait intéressée par Kiana...

Toutes ces questions devront attendre, car j'étais enfin arrivée à mon objectif. Il fallait que je protège Kiana. Cette fois, je n'échouerais pas à la protéger, elle et Reina. C'était ma mission. C'est pour cette raison que j'ai éloigné momentanément Reina. Elle risque certainement de tomber sur des soldats du néant sur le chemin et dans la station. Ça devrait l'occuper pour la tenir loin du danger de ce monstre. Quant à Kiana, si j'attire l'attention de cette créature, ça devrait lui permettre de souffler et de la mettre hors de danger momentanément également.

- Allez, allez...

J'observais de ma position Kiana esquiver et faire des pirouettes dans tous les sens afin d'éviter de finir en carpette. Je ne pouvais rien faire actuellement, hormis observer, tout en voyant les secondes défiler sur ma montre. Encore un tout petit effort, Kiana, juste quelques secondes. Pour te venir en aide, j'ai besoin d'une plus grande puissance de feu. Bien plus grande. J'espérais que ma théorie sur l'espace hors réalité était fausse, car sinon, mon plan tombait complètement à l'eau. Mais à mon grand soulagement, la livraison que j'attendais arriva enfin. Je n'ai jamais été aussi heureuse de voir mes drones répondre à mon appel. Ils étaient enfin là, pile à l'heure prévue. Cela confirmait également qu'on se trouvait bien dans la réalité. Mes trois drones arrivant sur ma position avec mon équipement, je m'équipai de ce dernier, tout en programmant mes drones en formation de combat. Il fallait que j'agisse rapidement et avec précision. Je transformai deux de mes drones en armes à feu. Ils s'assemblèrent pour former un fusil de précision. Une fois l'arme en main, je concentrai mon éther dans le fusil, tout en me focalisant au maximum, un de mes yeux dans la lunette pour viser juste. Je n'avais pas droit à l'erreur. Je devais tirer à cet endroit exactement, au moment précis où il ouvrait la gueule. Si mon observation est bonne, c'est à ce moment qu'il est vulnérable. Quand il charge son énergie.

Comme prévu, il chargea son énergie. Mes calculs et observations étaient justes. Il lança une attaque d'énergie à un intervalle bien précis. Il semble avoir besoin d'un certain temps de recharge avant de pouvoir en lancer une nouvelle. J'ai compté 42 secondes entre chaque charge complète. Il semble utiliser cette capacité dès qu'elle est disponible. J'imagine que l'avantage d'affronter une créature est qu'elle n'agit que par instinct, ce qui facilite l'observation et la mise en place d'une stratégie. Il est bien plus compliqué de saisir le rythme d'un humain possédant un esprit logique et expérimenté. Et surtout son imprévisibilité.

C'était le moment, il avait fini de charger et commençait à ouvrir la gueule. Je pris une profonde inspiration et appuyai sur la détente de mon arme. Un puissant projectile quantique perforant atteignit la créature en pleine tête. J'avais visé l'arrière du crâne, afin de causer une désynchronisation avec sa gueule. Ça avait beau être une créature, elle devait répondre à la même physique. Et le résultat me donna raison. L'impact ne lui fit absolument aucun dégât, mais cela stoppa sa charge. Sa gueule se ferma instantanément. Je crois que là, je l'ai bien énervé. Parfait, concentre-toi sur moi, mon gros. C'est moi ta cible...

Maintenant que j'avais toute son attention, sa première action fut de foncer sur ma position. Classique. Il ne pourra pas essayer de me carboniser à l'instant présent. J'ai 38 secondes pour l'éloigner de Kiana et de la zone, avant sa prochaine charge. Je peux le faire, je peux protéger Kiana et Reina. Je séparai mes drones, pour qu'un d'entre eux me serve d'arme de point habituelle, tandis que les deux autres se positionnèrent à l'arrière de l'équipement sur mon dos. Une fois la créature sur ma position, pulvérisant le bâtiment où je me trouvais, je fis le saut de l'ange. Quelques secondes avant de toucher le sol, j'activai mon équipement et envoyai de l'énergie dans mes deux drones, déployant dans la seconde suivante deux ailes de plasma qui me permirent d'atterrir en douceur et de m'offrir une capacité de mouvements aussi efficace au sol qu'à basse altitude. Cela n'était pas fait pour voler, mais plus pour me donner de l'altitude en cas de besoin. Il est important dans un champ de bataille d'avoir le plus d'options possible. Une fois au sol, j'utilisai donc les propulseurs de mes drones pour mettre de la distance entre moi et cette créature. Mais j'ai malheureusement sous-estimé sa vitesse dans mes calculs. Même avec mes propulseurs, il me rattrapait avec une facilité déconcertante. Sa taille et le fait qu'il puisse glisser avec son corps onduleux étaient un avantage certain. C'était mauvais, je ne l'avais pas assez éloigné de la position de Kiana. Pour ne rien arranger, mes propulseurs commençaient à faiblir. J'avais déversé bien trop d'éther pour augmenter ma vitesse dans mes drones. Ce n'était pas prévu pour atteindre une telle intensité. Il allait me rattraper sous peu si je ne trouvais pas rapidement une solution. Mais que pouvais-je bien faire ? Réfléchis, réfléchis...

J'étais rassurée de voir que Senya avait bien un plan après m'avoir sauvé la mise. Cependant, j'étais un peu moins enthousiaste en découvrant quel était l'objectif de son plan. Je voyais très clairement dans son jeu. Comme d'habitude, elle cherchait à tout prendre sur elle afin de nous épargner, Reina et moi. Depuis notre adolescence, elle a toujours été comme la grande sœur de notre trio. Même lorsque nous faisions les quatre cents coups avec Reina, Senya s'accusait souvent pour nous protéger. Je sais bien que c'est parce qu'elle tient à nous qu'elle fait tout cela, mais nous ne sommes plus à l'académie. Elle n'est plus obligée de se mettre autant de pression et de prendre tous les risques pour nous protéger. Surtout si cela la met en danger comme aujourd'hui. J'ai bien compris pourquoi elle a envoyé Reina s'occuper de mettre à l'abri les survivants. Tout comme je pige pourquoi elle s'éloigne au maximum de ma position. Une fois encore, elle prend tout sur elle.

Malheureusement pour Senya, Reina et moi la connaissons mieux que quiconque depuis le temps. Aujourd'hui, il était hors de question qu'elle agisse toute seule et prenne tous les risques. Son plan semblait tourner au vinaigre, il fallait que j'intervienne à mon tour maintenant que j'avais le champ libre. C'était à mon tour de prendre à revers cette créature.

Je me lançais à travers la zone en direction de la créature. Il fallait que je l'empêche de rattraper Senya. Mais comment allais-je faire cela ? Si seulement je pouvais refaire ce que j'ai fait tout à l'heure dans le bâtiment, mais de manière plus contrôlée. Mais est-ce que inverser la gravité suffirait sur un monstre de cette taille ? Je n'avais pas le temps de réfléchir, il fallait que je fasse quelque chose et tout de suite. Je m'arrêtais dans ma course, pris une grande inspiration, puis tendis la main en direction de la créature en plein élan. À ma grande surprise, j'avais bien moins de mal que d'habitude à utiliser mon Stigma. Pourtant, je n'ai rien fait de spécial entre cet instant et le moment où nous affrontions cette femme. J'avais l'impression que je pouvais soulever des montagnes tellement je sentais l'éther affluer dans mon organisme. Mais tandis que j'essayais d'inverser la gravité en direction de la créature, je sentais une douleur dans ma poitrine. Une douleur perçante au fur et à mesure que je forçais sur mon éther. Mais je ne pouvais pas m'arrêter, il fallait que je continue. Juste encore un peu…

À force d'amplifier mon éther, ma vision se troublait, tandis que j'observais mon bras commencer à changer d'apparence. Des sortes de fissures s'étendaient le long de ce dernier, tandis que ma peau se couvrait d'un voile noir. J'avais l'impression que quelque chose essayait de s'emparer de moi. Je commençais à ressentir soudainement une crainte dont j'ignore la provenance. Sans réellement m'en rendre compte sur le moment, étant plus concentrée sur ma douleur, je remarquais que la créature avait totalement cessé de bouger. Elle était comme totalement paralysée. Je pouvais sentir qu'elle se débattait pour se libérer. C'est moi qui retenais cette chose ? Le corps de cette créature commençait également à se couvrir de fissures, lui faisant pousser un hurlement de colère terrifiant. C'était comme si un virus se répandait dans tout son organisme. Cependant, j'atteignais ma limite, je n'arrivais plus à tenir une telle pression sur cette chose. Dès que je relâchais ma pression et que mon bras retombait, le monstre se libérait, et l'espèce de virus qui s'emparait de lui commençait à disparaître. Mais les fissures semblaient toujours là. J'imagine qu'il ne peut pas guérir de ça cette fois.

J'avais toujours mal au cœur et j'avais l'impression d'avoir subi un entraînement de dix heures avec Seria, tellement j'étais exténuée, mais rien d'insurmontable. J'avais tout de même un genou au sol pour reprendre mon souffle. Senya m'avait rejointe, profitant que la créature était momentanément désorientée. Tout comme Reina qui était également revenue. Je voyais bien dans leurs regards qu'elles étaient partagées entre la surprise et l'inquiétude. Je semblais souffrir, je ne pouvais pas le cacher, et en même temps je venais d'infliger visiblement de lourds dégâts à cette chose. Je m’efforçais donc de cacher ma douleur et me redressais en souriant, d'un air rassurant, bien que j'étais à bout de souffle.

- Ça va, je vais bien... C'était cool... hein ? Héhé…

- C'était incroyable, Kiana... Mais tu sembles souffrir. Reina, occupe-toi de Kiana, je vais…

- Non ! Ça suffit, Senya... Je vais bien. Il faut que tu arrêtes de tout prendre sur toi. Moi et Reina n'avons pas besoin que tu nous protèges tout le temps. Il t'arrive de penser à toi ? Qu'est-ce qu'on fait si quelque chose t'arrive en essayant de nous protéger ? Tu penses qu'on se le pardonnera ? Nous sommes des valkyries toutes les trois, alors nous n'irons nulle part sans toi ! Au lieu de vouloir nous protéger, utilise-nous plutôt dans les plans géniaux qui sortent de ta tête. Je suis certaine qu'à nous trois, nous serons plus efficaces qu'en te regardant de loin...

- Kiana...

Je repris mon souffle, montrant à Senya que je pouvais reprendre la bataille. Il était hors de question que cette fois, Reina et moi soyons mises à l'écart. J'avais affaibli cette créature, c'était le moment de riposter.

Je ne pouvais nier les paroles de Kiana et de Reina. Je pensais les protéger, mais agir ainsi était égoïste. Certes, j'avais confiance en mes capacités, mais cette journée m'a prouvé que je ne pouvais les protéger envers et contre tout, et que j'avais moi aussi besoin d'être protégée. En essayant depuis le début de les écarter du champ de bataille, je ne faisais que me mettre en danger. Et c'est l'action incroyable, mais étonnante, de Kiana qui venait de me sauver la mise à l'instant.

- Vous avez raison, pardonnez-moi, toutes les deux... Je vais essayer de ne plus refaire cette erreur. Cette créature semble affaiblie, il faut que nous profitions de sa régénération pour l'éloigner de cette partie de la ville. Le parc central d'Arcadia est à environ deux kilomètres de notre position. Si nous parvenons à l'attirer dans ce parc, nous devrions pouvoir empêcher cette créature de causer plus de dégâts à la cité. Pour l'instant, notre objectif est de retenir son attention le temps que les renforts arrivent.

- S'ils arrivent un jour... Pourquoi ne sont-ils toujours pas là ?

- J'ai peut-être une idée de la réponse, et c'est pour cette raison que, pour commencer, je veux l'éloigner de cette zone. Mais pour réussir cela, nous allons devoir faire en sorte qu'elle nous accorde toute son attention, et surtout qu'elle soit très en colère. Si ma théorie est bonne, plus nous l'énerverons, plus elle relâchera d'éther et plus elle faiblira. Une telle créature a besoin de se nourrir énormément. En étant présente dans notre réalité, elle va forcément finir par manquer d'énergie.

- Et si ta théorie est mauvaise et que nous l'avons énervée pour rien... ?

- … Nous aviserons.

- Super. Bon, ça me plaît comme plan ! Hein, Reina ? J'espère qu'on sera gracieusement payées pour notre héroïsme !

- Commençons déjà par ne pas finir carbonisées ou dans le ventre de cette chose.

Cette fois, c'était une stratégie à trois que j'avais mise en place. Si ma théorie était correcte, plus nous l'éloignerions de son point d'apparition, plus elle faiblirait. Mais avant cela, il fallait que je confirme quelque chose. Si je me trompais, alors la colère de cette créature allait régler le problème de notre avenir. Si j'avais raison, alors nous avions peut-être une chance d'accomplir un miracle. Je n'ai pas dévoilé mon véritable objectif à Reina et à Kiana, car nous n'avions pas le temps de nous attarder avec cette créature qui allait reprendre son assaut d'un instant à l'autre. Il fallait profiter de l'avantage que nous avait offert Kiana pour lancer un assaut pendant qu'elle était vulnérable.



Kiana et Reina se lancèrent vers la créature, comme prévu dans notre plan. Je restai à ma position et décidai cette fois de sortir la botte secrète de mes drones. J'activai le programme intégré que j'avais sobrement nommé : "Game Over". Ce programme me faisait mal au cœur, mais dans une situation désespérée, il fallait une solution désespérée. Deux de mes drones partirent en direction de la créature. Une fois à hauteur de Kiana, ils se positionnèrent de sorte à ce qu'elle s'en serve comme tremplin pour atteindre la tête de ce monstre. Elle prit son élan sur ces derniers et se propulsa à l'aide de l'altération de la gravité haut dans les airs, bien au-dessus de la tête de la créature. Elle ne put s'empêcher de faire une figure aérienne avant de retomber sur la créature, profitant de la vitesse de chute pour amplifier l'impact de son pied lorsqu'il s'écrasa avec une puissance incroyable sur la gueule de la créature. L'impact était si puissant que le titan onduleux s'écrasa sur un des bâtiments. J'imagine qu'en plus de la chute, elle avait amplifié la puissance en augmentant la gravité. C'était vraiment bien pensé, Kiana. C'était à moi de jouer à présent. J'activai la phase finale du programme. Dès ma validation, les deux drones qui avaient aidé Kiana se chargèrent en énergie et foncèrent sur la créature. À l'impact, une explosion quantique incroyable se produisit. C'était triste, mais je n'avais pas équipé mes drones d'un mini noyau atomique pour rien. Même si la façon dont je m'étais procuré ces noyaux était sujette à controverse, il était préférable que je garde le secret. Tout comme il valait mieux que je ne révèle à personne que j'avais bourré mes drones d'énergie nucléaire. Heureusement, c'était en trop petite quantité pour provoquer une explosion digne d'un cataclysme, mais suffisant pour, je l'espérais, endommager cette créature. Dans tous les cas, Kiana et moi avions joué notre rôle, c'était au tour de Reina de mettre sa pierre à l'édifice.

Après nos attaques dévastatrices sur ce monstre, il était évidemment en pleine forme, mais exactement comme je l'avais prédit : très énervé. Son corps changea de couleur, se chargeant d'une énergie incroyable. Il poussa un hurlement toujours aussi terrifiant, tandis que de la fumée s'échappait de son corps par les cavités visibles. Il était rougeoyant et brillait comme un sapin du Nouvel An. Il avait encore changé de phase visiblement. Dès qu'il eut fini son changement de phase et s'être entièrement régénéré, il fixa son attention sur la dernière personne qui semblait l'avoir attaqué. Il commença à charger avec fureur Reina.

- Reina, à toi de jouer ! Attire-le vers le parc !

J'espérais que Reina avait entraîné son endurance, car elle allait en avoir besoin sur les cinq kilomètres de course qui l'attendaient. Elle devrait tenir également toute seule lorsqu'elle atteindrait le parc pendant quelques secondes, le temps qu'on la rejoigne avec Kiana. Mais je ne m'inquiétais pas, elle avait les capacités pour accomplir cette mission. Je ne doutais pas de mon amie d'enfance.